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Promouvoir la santé des jeunes au Burundi par un réseautage sociocommunautaire

Promouvoir la santé des jeunes au Burundi par un réseautage sociocommunautaire

Sensibilisation communautaire des jeunes sur la colline de Biganda © GIZ / Rukemampunzi Landry

Une boîte à outils montre comment amener des acteurs divers à tisser ensemble un filet pour protéger les jeunes et vulnérables

Les jeunes, partout, ont les plus grands besoins en information et services de Santé sexuelle et reproductive (SSR), mais ils se rendent le moins dans les structures de santé. L’équipe du Burundi a donc cherché les jeunes là où ils se trouvent (école, église, communauté…), en mettant à contribution les structures qu’ils fréquentent.

En 2014, le projet « Renforcement des structures de santé dans le domaine de la planification familiale et de la santé et des droits sexuels et reproductifs (SDSR) au Burundi », mis en œuvre par la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ) sur mandat du Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), a entamé un partenariat avec le Programme national de santé de la reproduction (PNSR) du Ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le SIDA (MSPLS). Pour rendre les services de santé plus accueillants pour les jeunes, le PNSR a introduit les centres de santé (CDS) « amis des jeunes » et a conçu une stratégie de « Réseautage sociocommunautaire pour la promotion de la santé des jeunes » (RSPSJ) autour de chaque CDS pour amener les jeunes à s’y rapprocher. 

La GIZ a été la première des partenaires au développement à mettre en pratique cette vision innovatrice dans une phase pilote qui a permis de simplifier et rendre plus fonctionnelle l’approche, qui a par la suite été largement répandue dans le pays par d’autres partenaires. Le Projet SDSR a continué d’approfondir son approche en vue d’une autonomisation des réseaux qu’il a soutenus : Il y a actuellement des réseaux fonctionnels autour de 29 CDS dans les provinces de Mwaro, Muramvya et Gitega.

Cette boîte à outils résume les façons de faire et les leçons apprises en presque 10 ans de travail intensif pour organiser les aires de responsabilité des centres de santé en véritables filets de protection pour les jeunes et vulnérables de la communauté. La boîte à outils vise à capitaliser et pérenniser cette expérience du projet et à la rendre accessible et praticable pour toute personne (morale ou physique), au Burundi ou ailleurs, soucieuse du bien-être des adolescents et des jeunes, et particulièrement dans le domaine de la SDSR. Pour visionner ou télécharger la boîte à outils « Approche réseautage sociocommunautaire pour la promotion de la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes (SSRAJ) », cliquez sur l’image.

C’est l’engagement des membres individuels du réseau qui fait sa force

L’approche du projet visait à établir des « réseaux fonctionnels autour des centres de santé, se composant de la société civile, de diverses religions et de différents secteurs, contribuant significativement à la sensibilisation des jeunes à la santé sexuelle et reproductive. » Dès le début, la priorité du projet, conformément à sa stratégie de communication, a été de découvrir des partenaires intervenant auprès des jeunes et de les renforcer dans leur action et leurs interactions avec les autres intervenants du réseau. Au fur et à mesure, le projet s’est engagé avec les acteurs de la santé et de l’éducation, mais par la suite également avec les confessions religieuses, et finalement avec des acteurs comme les groupements de mères célibataires ou de personnes vivant avec handicap (PVH), qui de bénéficiaires, sont devenus des partenaires actifs à part entière. Vu le grand nombre et diversité des partenaires et de leurs interventions de sensibilisation dans chacun des 29 réseaux, deux outils qui se sont avérés très utiles pour le suivi des partenaires et de leurs activités sont :

Un réseau constitué autour du centre de santé 

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Chaque réseau sociocommunautaire coïncide avec l’aire de responsabilité du CDS qui se trouve à son centre. Cette zone géographique contient plusieurs structures qui ciblent ou associent les jeunes de 10 à 24 ans, dont des écoles publiques ou confessionnelles, des églises avec clubs de jeunes, des associations et centres de jeunes, etc. Avant l’introduction du réseautage, toutes ces structures poursuivaient leurs missions respectives en solo, sans communiquer entre elles ni avec le CDS, bien qu’implantées dans son aire de responsabilité et se côtoyant. C’est le réseautage qui a permis de sortir les différentes structures qui ciblent les jeunes de leurs « silos » respectifs. Leur participation dans un même réseau les renforce en leur permettant de connaître les programmes des autres, de collaborer et de travailler de façon complémentaire. Elles se concertent ainsi pour une plus grande efficacité de leur action envers les jeunes – leur groupe-cible commun.

Le projet a appuyé le PNSR dans le développement d’un Guide opérationnel pour la mise en place et le fonctionnement des réseaux sociocommunautaires autour des centres de santé amis des jeunes. Cliquez sur l’image pour le consulter ou le télécharger.

Santé et éducation au cœur de l’action 

Alors qu’une douzaine de types de structures font partie du réseau, l’importance des écoles – à cause de leur nombre et de leur mission éducative – fait qu’éducation et santé sont au cœur de l’action. Ceci est reflété dans la responsabilité conjointe des administrations communales/de district et provinciales d’éducation et de santé pour l’appui aux réseaux. Dans chaque école qui participe au réseau, le directeur d’école désigne certains enseignants (au moins une femme et un homme) en tant qu’ « animateurs scolaires ». Ceux-ci mènent des séances hebdomadaires de sensibilisation sur la SSRAJ après les heures de cours et organisent des visites trimestrielles de leurs classes au CDS. Ici les élèves sont accueillis par le Point focal activités communautaires ou le Technicien de promotion de la santé, un personnel spécialement formé pour éduquer et répondre aux questions des jeunes filles et garçons. Pour apprendre plus sur ce partenariat, cliquez sur l’image.

Le genre et les Violences sexuelles et basées sur le genre : un thème omniprésent

Au Burundi des pesanteurs socioculturelles et même légales maintiennent les filles et les femmes dans une certaine dépendance – matérielle, mais aussi psychologique, vis-à-vis les hommes. Ceci les rend vulnérables aux abus, y compris d’ordre physique ou sexuelle, avec leurs conséquences de grossesses hors mariage, abandons scolaires etc. La compréhension des enjeux du genre et la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) sont ainsi devenues des thèmes importants dans la communication avec les jeunes des deux sexes. Dans le cadre du réseautage le projet, en partenariat avec le PNSR a organisé des formations sur les VSBG aussi bien pour les animateurs communautaires que pour les animateurs scolaires, et a édité deux manuels pour ces deux groupes-cibles respectifs.

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Manuel VSBG scolaire francais
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Manuel VSBG communautaire kirundi

Les groupements de jeunes mères célibataires – un rôle unique pour la SSRAJ

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Dans la thématique de la SSRAJ les jeunes filles et femmes qui ont mené à terme une grossesse hors mariage ont un statut à part. Symboles vivants des conséquences d’un échec de la SSR, elles peuvent jouer un rôle important pour sensibiliser les autres jeunes afin de leur éviter pareil malheur. Encouragées par le projet, de jeunes mères célibataires se sont organisées en groupements d’entraide et de sensibilisation. Maintenant chaque réseau inclut un groupement de mères célibataires prêtes à témoigner de leurs expériences, mais aussi à écouter des jeunes qui hésitent à se confier directement aux responsables scolaires ou sanitaires. Basé sur une étude approfondie du profil des mères célibataires, le projet a développé sa stratégie d’inclusion de ce groupe clé.  Le projet a renforcé ces groupements dans leur rôle d’intervenants majeurs du réseau, les outillant d’un Guide de conseils pour une jeune mère célibataire envers les autres jeunes et d’un Guide de témoignage pour celles qui souhaitent partager leur histoire, ainsi que d’un Livre de témoignages de sept jeunes mères célibataires avec des questions pour animer discussion et réflexion. Ces 3 documents existent aussi bien en kirundi qu’en français.

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Guide de conseils pour une jeune mère célibataire envers les autres jeunes – Kirundi
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Guide de témoignage – Kirundi
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Livre de témoignages – Kirundi
Guide de conseils pour une jeune mère célibataire envers les autres jeunes
Guide de conseils pour une jeune mère célibataire envers les autres jeunes
Guide de témoignage – French
Livre de témoignages – French

Une attention particulière aux jeunes vulnérables

Dans un souci d’équité et d’inclusion, le réseautage cible aussi des jeunes qui, par leur appartenance à un groupe vulnérable ou marginalisé, ont un accès particulièrement difficile aux informations et services de santé sexuelle et reproductive. Un exemple sont les Batwa, une minorité autochtone qui vit dans des conditions extrêmes de pauvreté et d’exclusion. Leur représentation obligatoire dans les comités des réseaux les met sur un même pied d’égalité avec les autres composantes du réseau et leur ouvre un meilleur accès à la SSR. Les personnes vivant avec handicap (PVH) sont un groupe important souvent oublié par les programmes visant une meilleure santé sexuelle et reproductive des jeunes, et qui pourtant ont les mêmes besoins dans ce domaine. Les PVH sont souvent aussi l’objet de stigmatisation, ce qui expose surtout les filles à la VSBG. L’Union des personnes handicapées du Burundi (UPHB) est partie prenante dans le projet de réseautage, et appuyée par la GIZ a formé des pairs éducateurs pour rayonner auprès des autres membres de ce groupe particulièrement vulnérable.

L’UPHB a son tour a appuyé le projet pour former les prestataires de service pour une prise en charge inclusive des PVH.

Les leaders religieux, un groupe qu’il fallait convaincre

Au Burundi, la population est très majoritairement croyante. Les confessions religieuses y exercent une grande influence et tendent à exprimer beaucoup de réticences par rapport à l’éducation des jeunes sur la sexualité. Vu la sensibilité potentielle de ce thème, plusieurs confessions religieuses ont hésité à adhérer aux réseaux. Ceci a amené le projet SDSR à travailler avec le Réseau des Confessions religieuses pour la promotion de la santé et le Bien-être Intégral de la Famille (RCBIF) sur le développement d’un matériel éducatif qu’elles trouveraient acceptable. A travers une écoute mutuelle compréhensive et respectueuse, les partenaires ont développéun guide sur la SSRAJ qui est largement exploité dans les écoles et clubs qui relèvent des confessions religieuses : « Une jeunesse victorieuse ».  Maintenant les jeunes dans ces structures reçoivent des informations sur la SSRAJ et les leaders religieux sont plus ouverts au dialogue sur les questions de SR avec les professionnels de santé.

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Une jeunesse victorieuse
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Une jeunesse victorieuse – Kirundi

Une bibliothèque numérique attire les jeunes dans les centres de santé

Le déploiement dans cinq CDS de kits de « bibliothèques numériques » dénommées Ideas Cubes avec l’appui de l’ONG Bibliothèques sans frontières a fait sensation. L’engouement des jeunes pour cette expérience hautement technologique d’auto-apprentissage a fait déborder l’espace disponible dans les centres de santé – enthousiasme partagé par leurs encadreurs et animateurs, pour qui ces bibliothèques numériques se sont avérés un instrument précieux pour préparer leurs interventions.

Résultats et coûts estimatifs de l’approche

L’indicateur principal de l’approche RSPSJ du Projet SDSR stipule que dans les zones de réseautage « 50% des jeunes scolarisés et 40% des jeunes non scolarisés, des deux sexes (50% féminine, 50% masculin), ont une bonne connaissance des infections sexuellement transmissibles, du VIH / SIDA et de la violence basée sur le genre. » A deux ans d’intervalle (2020 et 2022) des enquêtes auprès des jeunes de 10 à 24 ans ont constaté une amélioration importante dans leurs connaissances entre la première enquête et la deuxième, dépassant largement dans la plupart des cas les cibles de l’indicateur : Par exemple, chez les jeunes femmes les bonnes connaissances par rapport aux infections sexuellement transmissibles (IST) ont pratiquement doublé en l’espace de deux ans, passant de 29 à 53% chez les non scolarisées, et de 34 à 58% chez les scolarisées. 

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Une autre évaluation qui s’est penchée sur la qualité de la transmission des informations en SSR aux jeunes a constaté une grande variété et qualité des canaux utilisés et des messages.

Le coût estimatif pour faire fonctionner un réseau sociocommunautaire pendant un an est estimé à 10.000.000 Francs burundais (à peu près 4400 EUR).

Mars 2023

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