Des services de santé de qualité pour les jeunes au Burundi
Des mères célibataires se préparent à sensibiliser d’autres jeunes au centre de santé de Ceru
Dans un monde idéal, les services de santé sont de haute qualité et sont recherchés par les utilisateurs, y compris les jeunes. C’est dans cet esprit que le Programme national de santé de la reproduction du Burundi a activement promu les deux côtés de cette équation, en associant l’Amélioration systémique de la qualité dans les centres de santé avec le Réseautage sociocommunautaire pour la santé des adolescents et des jeunes.
Cet article est également disponible en anglais
Au centre de santé de Ceru, dans la province de Gitega, Vivine et Germaine (pas leurs vrais noms) sont un peu nerveuses. Elles s’apprêtent à raconter leur vie de jeunes mères célibataires (une condition sévèrement stigmatisée au Burundi) à un groupe d’élèves du secondaire curieux qui assistent à la « porte ouverte » hebdomadaire instaurée par le centre de santé à l’intention des jeunes. Elles sont rassurées par le fait d’être ensemble et par l’aimable présentation du directeur d’école qui les a accompagnées. Les jeunes femmes gardent leur calme pendant qu’elles expliquent comment elles sont tombées enceintes et ont été obligées de quitter l’école. Elles répondent à toutes les questions des élèves et leur donnent des conseils pratiques : « Les filles, n’acceptez pas les cadeaux de cacahuètes ou de bonbons des garçons s’ils ont l’air d’attendre quelque chose en retour ! »

Vivine et Germaine sont membres d’une association de mères célibataires qui fait partie d’un réseau d’acteurs locaux s’adressant aux jeunes dans l’aire de responsabilité du centre de santé de Ceru. L’idée du réseau est d’amener les différentes structures qui s’occupent des jeunes – écoles, églises, organisations communautaires, etc. – à travailler ensemble pour améliorer leur accès à des services de santé et des informations de qualité.
Quand le Programme national de santé de la reproduction (PNSR) du Burundi a introduit son concept de Réseautage sociocommunautaire pour la santé des adolescents et des jeunes, il a trouvé un partenaire engagé dans le Projet « Renforcement des structures de santé dans le domaine de la planification familiale et de la santé et des droits sexuels et reproductifs » (« Projet SDSR » pour faire court), mis en œuvre par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) au nom du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ). À partir de 2014, le projet a appuyé le PNSR à mettre en pratique son concept de Réseautage dans les provinces de Gitega, Mwaro et Muramvya. Aujourd’hui, Ceru est un de 29 centres de santé disposant d’un réseau sociocommunautaire actif qui fait la promotion de la santé et des droits sexuels et reproductifs (SDSR) des adolescents et des jeunes dans son aire de responsabilité sans soutien extérieur.
Amener les structures locales qui travaillent avec les jeunes à collaborer entre elles pour la SDSR
Laetitia Nzitonda est la Responsable de la composante du projet qui travaille avec la société civile. Elle est familière avec les différentes raisons qui empêchent les jeunes de recourir aux services de santé sexuelle et reproductive :
Les jeunes sont souvent réticents à utiliser les services de santé, donc notre défi était de savoir où et comment les rejoindre.
Laetitia Nzitonda
C’est pour cette raison qu’elle et ses collègues privilégient une approche de réseautage sociocommunautaire. Le Réseautage sociocommunautaire pour la SDSR des adolescents et des jeunes tire parti de la variété de structures et de ressources travaillant avec les jeunes qui existent dans l’aire de responsabilité d’un centre de santé – et les amène à travailler ensemble sous la coordination du centre de santé (voir la brochure « Réseautage sociocommunautaire pour la promotion de la santé des jeunes »). Les principaux acteurs sont les écoles publiques et confessionnelles, mais aussi divers clubs et associations de jeunes, ainsi que le Groupe d’agents de santé communautaire du centre de santé, afin d’atteindre les jeunes qui ne sont plus à l’école. Cela représente un grand nombre et variété d’animateurs et de pairs éducateurs promouvant la SDSR des jeunes, auxquels s’ajoutent les 13 membres du Comité du réseau, élus chaque année par les différentes catégories de structures participantes. Le réseau organise différentes activités pour les jeunes qui les amènent aussi régulièrement au centre de santé pour une éducation et des services SDSR confidentiels et de qualité.
Selon Laetitia Nzitonda, des concours communautaires et scolaires incitent les jeunes à créer des chansons, des poèmes et des pièces de théâtre sur la santé et les droits reproductifs. La diversité des canaux permet d’aborder des sujets sensibles tels que la violence sexuelle et basée sur le genre. Chaque réseau dispose d’un Groupement de mères célibataires comme celui de Vivine et Germaine. Renforcées par des formations et des outils éducatifs développés avec le soutien du projet, les mères célibataires partagent leurs histoires et encouragent les jeunes à venir au centre de santé pour leurs besoins en matière de santé sexuelle et reproductive (voir la brochure « Les Groupements de jeunes mères célibataires »).
Les réseaux mettent également l’accent sur l’amélioration de l’accès des jeunes vulnérables et marginalisés aux informations et services en matière de SDSR. Les réseaux ont ainsi tendu la main au groupe ethnique minoritaire Batwa – une communauté indigène historiquement dépourvue de terres et vivant dans une extrême pauvreté – et à l’Union des personnes handicapées du Burundi, une organisation faîtière qui promeut le bien-être des personnes vivant avec un handicap (voir la brochure « Protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs des jeunes vivant avec handicap »). Les prestataires de services de santé ont reçu une formation et des équipements pour mieux répondre aux besoins particuliers de ces individus.
Obtenir l’adhésion des leaders religieux
Le plus grand défi, selon Laeitita Nzitonda, a été de travailler avec les leaders religieux, qui ont une très forte influence sur la société burundaise, y compris sur les jeunes dans les écoles et associations confessionnelles :
« De nombreux leaders religieux ont tendance à désapprouver l’éducation sexuelle pour les jeunes. » Elle explique que le projet a pris contact avec le Réseau des Confessions religieuses pour la promotion de la santé et le Bien-être Intégral de la Famille (RCBIF), une structure regroupant les principales confessions religieuses pour un concept de santé familiale basé sur la foi (voir la brochure « S’allier avec les leaders religieux pour élargir l’accès des jeunes à la santé sexuelle et reproductive »). A travers un dialogue patient et mutuellement respectueux, ils ont développé ensemble un outil éducatif, « Une jeunesse victorieuse », qui présente tous les aspects de la SDSR dans un langage acceptable pour les leaders religieux. Cet outil a été largement diffusé et exploité dans les écoles et associations confessionnelles, améliorant ainsi l’accès d’un nombre beaucoup plus important de jeunes à des informations exactes en matière de santé et droits sexuels et reproductifs.
Lors de conversations informelles avec le personnel du projet, des professionnels de l’éducation partagent leur impression qu’il y a eu une réduction notable des grossesses en milieu scolaire dans les zones d’intervention des réseaux sociocommunautaires. Des études montrent que les niveaux de connaissance des jeunes sur des sujets tels que les infections sexuellement transmissibles, le VIH/SIDA et la violence basée sur le genre se sont nettement améliorés. Selon certains observateurs, la communication ouverte pratiquée dans et par les réseaux, y compris à travers le témoignage des mères célibataires, a contribué à réduire le tabou à parler de sexualité entre les jeunes et leurs parents, ainsi qu’avec des autorités religieuses.
Des centres de santé avec des ressources pour attirer les jeunes

Conformément au concept du PNSR de centres de santé « amis des jeunes », Ceru a aménagé une « salle de jeunes » avec du matériel éducatif sur la santé sexuelle et reproductive, où les jeunes peuvent interagir entre eux et avec les promoteurs de santé du centre. Ceru propose également le programme Ideas Cube parrainé par l’ONG Bibliothèques sans frontières – une bibliothèque numérique qui fascine aussi bien les jeunes que leurs éducateurs.
« Depuis que nous avons commencé à exploiter le kit Ideas Cube », explique M. Fidèle Mbonabuca, Titulaire du centre de santé de Ceru, « les jeunes sont très nombreux à se présenter pour l’utiliser – c’est formidable qu’ils se sentent à l’aise dans notre centre de santé ! » Avec le réseau sociocommunautaire local, le centre organise des activités de sensibilisation comme les jeux concours et les matches de football, et il a créé un circuit qui permet aux jeunes de fréquenter les services en toute discrétion pour leurs problèmes médicaux.
Nous devons offrir des services de qualité pour répondre aux attentes des jeunes. Nous attachons une grande importance à leur sante, car ce sont eux qui nous remplaceront un jour !
Fidèle Mbonabuca, Titulaire du centre de santé de Ceru
Ceru est un de 90 centres de santé dans les provinces de Gitega, Mwaro et Muramvya qui se sont engagés dans un processus d’Amélioration systémique de la qualité de leurs services de santé.
Vers un management durable de la qualité dans les services de santé

« Il est évident, » explique Dr Marie-Claire Ryanguyenabi, Responsable de la composante Accessibilité et qualité, « que si on veut que les jeunes viennent dans les centres de santé, il faut s’assurer qu’ils bénéficieront de services de santé de bonne qualité. » Quand le projet a démarré en 2014, son équipe et ses partenaires au Ministère se sont intéressés à l’approche du Concours qualité développée par la Coopération allemande au développement en Guinée, puis expérimentée dans un certain nombre de pays sans devenir un élément durable de leur système de santé. Ils ont apprécié l’aspect motivant d’une compétition positive entre les structures de santé et l’accent mis sur l’autoévaluation et la responsabilisation des équipes individuelles. Mais de l’autre côté ils voulaient éviter la lourdeur administrative qui rendait difficile la poursuite de l’approche ailleurs. Les partenaires ont donc opté pour une forme « allégée » du Concours qualité : uniquement entre les centres de santé plutôt qu’à tous les niveaux de la hiérarchie sanitaire, et ils ont commencé par juste deux thèmes – l’hygiène et l’accueil – et seulement deux dimensions de qualité par thème, plutôt que de procéder à une évaluation exhaustive de tous les éléments de l’offre des soins de santé.
Au cours de trois cycles du Concours qualité, l’approche a été affinée : Des thèmes liés à la SDSR ont été intégrés dans la compétition, les partenaires opérationnels – les Bureaux de santé provinciaux et les Equipes cadres de district – assumant progressivement la responsabilité pour tous les aspects du processus. Les éléments de qualité, tels que l’utilisation de la « roue de Deming » pour la planification et l’autoévaluation, le renforcement des compétences par le coaching, la rétroinformation et une démarche réflexive, ainsi que la participation active de la communauté à la planification et à la mise en œuvre des améliorations, ont été au moins aussi importants que l’organisation du concours lui-même.
Au final, ce sont plutôt ces pratiques quotidiennes qui constituent une démarche durable et intégrée de Management de la qualité. Le Concours qualité a donné une première impulsion à la démarche, mais il n’est plus nécessaire.
Dr Marie-Claire Ryanguyenabi

Au-delà du Concours qualité
Selon le Dr Emile Nzoyisaba, Médecin-chef du District sanitaire de Kibumbu (province de Mwaro), les Equipes cadres de district ont grandement bénéficié du soutien allemand, avec une appropriation croissante au cours des trois cycles du Concours qualité. « Ensemble nous avons pris comme point de départ nos problèmes réels, nous avons réfléchi à des solutions et nous avons pris la responsabilité de les mettre en œuvre. Et après chaque séquence, nous nous sommes évalués. Cela a créé un véritable esprit d’équipe tant dans les centres de santé que de la part des Equipes cadres de district. » Le projet appuie maintenant ces partenaires dans un processus de déploiement et d’adaptation des outils qu’ils ont utilisés pour le Concours qualité afin de soutenir durablement une culture de la qualité dans les services de santé.
Au centre de santé de Ceru, le Titulaire M. Mbonabuca est enthousiaste à propos de l’expérience du Concours qualité : « Nous avons gagné une table d’examen, un thermomètre médical et d’autres équipements utiles. Mais ce qui est encore plus précieux c’est que nous avons pu voir des améliorations dans notre planification et mise en œuvre des activités, non seulement au centre de santé mais aussi dans la vie courante. » Il apprécie que l’approche a amélioré l’esprit d’équipe, leur permettant d’offrir des services de qualité à leurs clients « afin de satisfaire leurs besoins sans discrimination ni stigmatisation. »
Bien que le projet soit en train de finir, nous sommes déterminés à poursuivre cette approche. Pour être sûrs de ne pas reculer, on va intégrer ces activités dans les plans d’action et budgets annuels de notre centre de santé.
Fidèle Mbonabuca
Une évaluation scientifique de l’approche de Management de la qualité a souligné l’utilisation du coaching et l’accent mis sur le travail d’équipe comme des aspects particulièrement motivants et propices à une amélioration significative de la qualité. L’évaluation a conclu que la dynamique positive d’amélioration continue de la qualité lancée par le projet peut être soutenue à peu de frais supplémentaires et sans soutien extérieur.
Retour sur les 10 ans du projet SDSR
Après 10 ans d’activité, le projet burundais-allemand SDSR touche à sa fin. Ursula Schoch, Cheffe du projet, résume la philosophie qui a guidé l’approche : « Aussi bien en matière du Management intégré de la qualité que du Réseautage sociocommunautaire pour la santé sexuelle et reproductive des jeunes, notre objectif fondamental a été l’autonomie de nos partenaires. Un projet peut donner un élan temporaire à quelque chose qui existe déjà, dans l’espoir d’améliorer son fonctionnement à long terme. Dans chaque composante du projet, nous nous sommes efforcés d’appuyer nos partenaires à progresser sans notre soutien. »
Notre objectif fondamental a été l’autonomie de nos partenaires.
Ursula Schoch, Cheffe du projet
Six Equipes cadres de district, trois Bureaux de santé provinciaux et 90 centres de santé ont été appuyés pour poursuivre l’amélioration de la qualité des services ; et le projet laisse 29 réseaux sociocommunautaires actifs fonctionnant sous la responsabilité de leurs centres de santé respectifs, qui incluent leurs activités dans le budget de l’établissement de santé.
Le projet a développé deux boîtes à outils basées sur les nombreuses leçons apprises :
Promouvoir la santé des jeunes au Burundi par un réseautage sociocommunautaire
Du ‘Concours qualité’ à un Management intégré de la qualité
Dr Mary White-Kaba
June 2023